Partie 2.

a) une image idéalisée.

Les actrices ont toujours dû une grande partie de leur succès à leur beauté, tout particulièrement à Hollywood, ce qui se répercute sur leurs rôles à l'écran. En effet, leur apparence prend une importance telle qu'elle éclipse tout le reste : la plupart des spectateurs s'arrêtent au physique et prêtent peu attention au jeu d'actrice, par exemple, et ce même si le réalisateur tente de donner de la profondeur et de la complexité au personnage féminin. L'exemple parfait est celui de Marilyn Monroe : actrice mystifiée à l'extrême, elle n'est pas vue comme une femme à part entière, mais plutôt comme un corps et un visage parfaits. Par exemple, dans Certains l'aiment chaud de Billy Wilder, Sugar Kane n'aurait aucun intérêt si elle n'était pas incarnée par Marilyn tant elle est naïve et prévisible. L'apparence et le charme de l'actrice font presque tout.


 


Il est possible d’établir une comparaison avec les acteurs masculins, pour qui le physique n’était pas un facteur déterminant de leur carrière : ils se devaient d’être « bien présentés » à l’écran, c’est-à-dire bien coiffés, bien habillés et ayant l’air sain et en bonne santé, mais cela n’allait guère plus loin. Aussi, la femme au cinéma semble inaccessible tant elle est idéalisée : elle est très belle, mais elle a aussi du pouvoir sur les hommes, si bien qu'elle ne connaît pas vraiment l'inégalité des sexes. Elle est réduite à ne représenter qu’un panel de fantasmes et n'apparaît par conséquent pas comme un être humain à part entière, qui aurait ses faiblesses. C’est une projection de ce que l’on veut que la femme soit, même si l'on sait qu'elle ne sera jamais comme cela (c'était du moins ce que l'on pensait jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, voire même plus tard aux Etats-Unis).

b) quatre types bien définis.


Premier type de femme, le plus répandu au cinéma : la sublime. Ce terme désigne la femme extrêmement belle qui obtient tout ce qu'elle désire des hommes, qui les manipule même, grâce à son charme. Vient ensuite la romantique, c'est-à-dire la femme dévouée à l'homme qu'elle aime, que le sentiment soit partagé ou non. Il y a également l'idiote, qui représente la femme naïve. On a enfin la garce, c'est-à-dire la traîtresse, l'adultérine. Ces genres se rejoignent tous : ainsi Elsa Bannister (La Dame de Shanghai) peut être à la fois qualifiée de sublime et de traîtresse : elle manipule sans pitié un homme éperdument amoureux d'elle et utilise ses charmes afin d'y parvenir. Par contre, Anne Baxter, dans le rôle d'Ève Harrington (All About Eve), ne peut être qualifiée que de garce : elle trompe tout le monde et y parvient à merveille, avant de tenter de tout détruire autour d'elle, dans le simple but de devenir une actrice à succès. Elle est prête à briser des couples, briser des amitiés, mentir et voler un rôle en faisant du chantage à une femme qui l'avait sortie de la misère ... C’est une vision très réductrice de la femme puisqu'elle est souvent enfermée dans des stéréotypes à l'écran. Il y a peu d'originalité, les personnages féminins sont rarement ceux sur lesquels les réalisateurs travaillent le plus.

c) entre épouse modèle et incarnation du mal.

La femme au cinéma est donc soit tout à fait vertueuse, soit extrêmement mauvaise, et elle peut parfois être partagée entre ces deux bords. Par contre, il est rare de trouver un personnage féminin qui soit "équilibré", neutre en quelque sorte. En effet, cela n'aurait aucun intérêt pour l'intrigue, puisque c'est la femme qui, bien souvent, déclenche les péripéties. En effet, sa présence ou un acte qu'elle a commis (que ce soit innocemment ou intentionnellement)  sera un élément perturbateur qui lancera l'intrigue. Les femmes passent donc pour des créatrices d'ennuis. Il est d'ailleurs possible d'établir un lien avec le mythe d’Adam et Ève, selon lequel Ève, la première femme, aurait goûté le fruit défendu, entraînant son expulsion de l’Eden, ainsi que celle de son conjoint, leur réduction à l’état de mortels, l’obligation pour Ève et sa descendance d’enfanter dans la douleur et celle pour Adam et les hommes, de travailler pour gagner de quoi vivre. Une fois encore, la femme a entraîné la « perte » de tous. C’est un schéma qui semble plus ou moins se reproduire dans les films des années 50.





d) l'américaine moyenne des années 50 et la femme à l'écran.



Le cliché de l'américaine des années 50.

En Amérique, il existe un réel fossé entre la femme au foyer standard des années 50 et celle incarnée par les actrices dans les films de la même époque. La première entretient la maison et s'occupe de ses enfants. Il lui arrive de passer du temps avec ses amies, qui sont bien souvent des femmes comme elle, mais en règle générale, elle fait peu d'activités sans son mari. A l'inverse, la femme telle qu'elle est vue au cinéma est indépendante, elle n'a pas de maison à entretenir ni d'enfants dont il faut s'occuper, et bien souvent, elle n'est pas mariée. Dans le cas où elle l'est, elle est infidèle, telle Rita Hayworth dans le rôle d'Elsa Bannister  dans La Dame de Shanghai, mariée mais apparemment amoureuse de Michael O'Hara.